Incomparable, dense, limpide, sonore et lumineux, né d’une boule de feu et du souffle des hommes, le cristal selon Saint-Louis vibre de tout le talent hérité de l’histoire et de l’incroyable fantaisie créative inspirée par l’air du temps. En 1767, près de deux siècles après sa création, le roi Louis XV confère par lettres patentes à la verrerie de Müntzthal le titre de « Verrerie royale de Saint-Louis ». Quinze ans plus tard, François de Beaufort y met au point la formule du cristal. Rebaptisée Cristallerie royale de Saint-Louis, la manufacture se consacre dès 1829 à la seule production du cristal et introduit notamment la notion du service de verres pour la table avec le célèbre modèle Trianon. Aujourd’hui, Saint-Louis signe chaque jour des pièces en cristal réalisées par des maîtres verriers et des maîtres tailleurs comptant parmi les Meilleurs Ouvriers de France. Tous sont détenteurs d’un savoir-faire irremplaçable, enrichi de génération en génération. Grâce aux progrès autorisés par les procédés chimiques et mécaniques, pour certains inventés au XIXème siècle, Saint-Louis a également su initier les techniques les plus pointues de coloration du cristal, façonnage à chaud, taille à froid, gravure des motifs les plus sophistiqués et décor à l’or.
Si, comme l’écrivit Paul Claudel, « le verre, c’est du souffle solidifié », alors le cristal est l’étincelle jaillie de l’âme des hommes. Introduit en France en 1781 par François de Beaufort, directeur des Verreries royales de Saint-Louis, le cristal est, à l’instar du verre, né de la terre et de la forêt vosgienne dans un berceau de feu auquel fut ajouté ce plomb qui lui confère poids, sonorité, lumière. Au sable fin extra-blanc s’ajoutent donc la potasse, hier végétale, aujourd’hui chimique, et le minium de plomb. Voici pour la recette, immuable, du cristal clair, le cristal de couleur étant obtenu par addition à ce mélange d’oxydes métalliques. Oxydes de nickel pour le violet, de cobalt pour le bleu Saint-Louis, de cuivre avec du chlorure d’or pour le rouge rubis. Ces procédés de coloration, hérités d’alchimies vénérables, continuent pourtant de faire l’objet de fines recherches dans le secret d’un laboratoire où l’on s’attache également à étudier et à améliorer la composition et la fusion du cristal. L’aspect scientifique du métier s’arrête là, car si l’électricité et le gaz alimentent aujourd’hui les fours en lieu et place du bois et du charbon, le travail demeure peu ou prou identique à ce qu’il était autrefois.
Chez Saint-Louis : les hommes sont au cœur d’un savoir. Un village construit et formé autour et au service entier de la manufacture, un village patriarcal, ayant vécu, quatre siècles durant, sur la seule transmission verticale d’une charge héréditaire assumée avec fierté : les registres de la cristallerie n’indiquent-ils pas aujourd’hui des noms déjà inscrits voilà deux cents ans ?
Les temps ont changé et Saint-Louis a dorénavant dans ses effectifs de nombreux verriers formés dans les lycées techniques de Moulins ou de Sarrebourg. Entrés en apprentissage à l’âge de 16 ans, soumis à un long et délicat enseignement étalé sur six à huit années, humbles et passionnés, les artisans sont scindés en deux métiers : les verriers (ou souffleurs) et les tailleurs. Tous débutent au bas de l’échelle avant de finir par incarner une véritable aristocratie conquise au mérite (Saint-Louis compte d’ailleurs de nombreux Meilleurs Ouvriers de France). Entre patrimoine et contemporanéité, entre leurs mains, l’avenir de Saint-Louis prend forme, jour après jour.